Pour une éducation précoce et innovatrice des enfants porteurs de trisomie 21
Pour une éducation précoce et innovatrice des enfants porteurs de trisomie 21
Pour une éducation précoce et innovatrice     des enfants porteurs de trisomie 21

ACTUALITE

   

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Les 12,13,14 et 15 avril 2024  AkroPAUL accueillera, avec grand plaisir, Helen Woodrow, thérapeute anglaise, spécialiste du positionnement oro-facial.

    

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Association AkroPAUL

8 rue Saint Joseph

51000 Châlons en Champagne

 

 

 

L’intervention précoce par la méthode CLOE

 

La production des premières émissions sonores est capitale dans le développement ultérieur du langage.

Très tôt, l’enfant porteur d’une « différence » doit être aidé à l’émission de vocalises phonétiquement stables contenant des éléments de signification.

Les caractéristiques spécifiques de l’enfant atteint de trisomie 21 sont généralement les suivantes :

  • Hypotonie motrice
  • Difficultés de suivi du regard
  • Retard dans la prise de tour dans le dialogue

Parallèlement, toutes mes recherches comparatives entre l’enfant normal et l’enfant différent montraient que les mécanismes d’acquisition du langage étaient étroitement corrélés à la motricité.

L’émission vocale du tout petit est toujours précédée de manifestations motrices : des gesticulations annoncent le son.

Mon première hypothèse a été:

« Si j’apporte à l’enfant une aide motrice qui facilitera la production du son, va-t-il mieux et plus rapidement développer son langage ? »

Cette hypothèse première a très vite été corroborée et a donné naissance à la méthode CLOE.

Mon but : mettre en place le plus tôt possible un travail coordonné œil/main/bouche/oreille. Chaque zone stimulée aidant les autres zones selon le canal préférentiel de l’enfant.

L’étape de départ concernait donc la favorisation du « taper », geste moteur précédant l’émission vocale. 

Sur 56 enfants handicapés testés, nous avons constaté des progrès immédiats de vocalisation si l’adulte prenait les membres de l’enfant (mains ou pieds) et exécutait un geste moteur.

Petit à petit m’est venue l’idée d’affiner cette aide motrice afin que le geste exécuté par l’enfant avec l’aide de l’adulte contienne les caractéristiques du son désiré.

 

Ma seconde hypothèse était la suivante :

« Si mon geste comporte des éléments particulièrement aidants à l’émission de tel son, l’enfant va-t-il émettre le son que j’attends et en percevoir les particularités. »

En résumé : le geste effectué favorise-t-il la bonne position de la langue et des lèvres ainsi que les mouvements de la bouche pour produire tel ou tel son ?

Après une étude minutieuse des mouvements de la sphère buccale (bouche, lèvres, langue, larynx, émission du souffle) dans chaque son spécifique, j’ai, pour chaque émission recherchée, aidé l’enfant par un geste précis bien différencié.

L’accompagnement très précis unissait l’aide motrice à la même vocalisation consonantique.

Ma constatation première est née de l’observation de la naissance du « ta,ta,ta » chez tous les bébés que je côtoyais, porteur ou non de différence.

Cette émission du « ta,ta,ta » était toujours précédée d’un frappé systématique de la main ou du pied , voire des deux.

Très vite, une observation plus minutieuse a montré que le changement du tonus musculaire modifiait l’émission du son « ta » et qu’il devenait « da » ou « na ».

Ces trois sons étaient émis préférentiellement par l’enfant « différent » en raison de l’hypotonie linguale et labiale entraînant la position de la langue entre les lèvres.

J’ai donc poursuivi mes expérimentations en ajoutant à mon intervention la prise en compte de ces deux éléments :

  • Aide motrice systématique avec effectuation d’un geste contenant les caractéristiques du son désiré.
  • Aide pour favoriser le tonus adapté : geste tonique pour les sons sonores, gestes relâchés pour les sons nécessitant une vibration laryngée, gestes mous pour les nasales.

Le premier travail s’est donc effectué sur la notion de tendu/relâché. La prise de conscience de la tension du corps puis de sa mise en relaxation s’est avérée aisée chez les tout petits testés.

Afin d’égayer les séances et les rendre tout à fait joyeuse en conservant les exigences techniques, m’est venue l’idée de me relier à l’enfant par un gros ruban de couleur attaché à mon poignet et au sien afin de communiquer les caractéristiques du son et déclencher la prise de tour dans le dialogue.

Le parent présent lors de mon intervention faisait alors de même avec l’autre main ou l’autre pied.

Pour le « t », nous agitions les membres de l’enfant très fermement, tenant la menotte vigoureusement et l’incitant à taper le plus fort possible en émettant bruyamment le son « t ».

Le son « t » émergea très vite dans ces conditions.

Pour le son « d », cette même gestuelle aidant la langue à taper, mais de manière relâchée, notre mouvement insufflé à l’enfant était doux, dansant, dodelinant, très relax.

Le travail des parents a relayé le mien de manière extraordinaire. « Ça marche ! » me disaient-ils avec une émotion bien compréhensible.

Poursuivant mes observations, j’ai constaté que, par ce biais moteur très précis calquant le mouvement de la langue, l’émission des sons était plus fréquente, plus diversifiée et la prise de tour dans le dialogue extrêmement facilitée.

Bien sûr, le partage de la signification des sons émis par l’enfant, par son entourage, reste un point sur lequel je suis très vigilante. Le rôle joué par la mère en réponse à ses vocalisations est prépondérant dans l’émergence du langage.

Le contrôle précis de tous les paramètres bucco-faciaux menant à la parole a donc guidé la création de la méthode CLOE.

Le travail de l’œil et la « captation du regard » ainsi que de son suivi ont entraîné la poursuite de mes recherches : création d’un logo noir sur support transparent évoquant le geste nécessaire et contenant la lettre émise.

Ex : mes constats sur la production du « t » ont abouti au logo :

Le nom du dessin « tambour » contient le t, le dessin évoque le geste à effectuer et contient l’écriture de la lettre « t » qui va se détacher ensuite pour conduire à la lecture.

J’ai donc systématiquement présenté le logo agrandi et transparent à l’enfant quand j’émettais le son pour visualiser et conduire ainsi doucement à la lecture.

La certitude de lier l’oral et l’écrit guidait mes travaux, comme la certitude de travailler les acquis sur la base de nos cinq sens.

Mon premier travail a donc porté sur les consonnes (toujours émises par le bruit qu’elles font, et surtout, jamais par leur appellation alphabétique).

Un autre paramètre s’est vite inscrit dans mes recherches: parallèlement aux caractéristiques de chaque son, il m’apparaissait impératif d’imprégner l’enfant des caractéristiques de notre langue, de sa mélodie et de ses composantes discursives.

C’est ainsi que sont nées les comptines dans lesquelles émerge le son choisi.

Mes travaux se sont poursuivis par l’apprentissage des voyelles, beaucoup plus délicat car difficilement perceptible au niveau visuel et tactile par l’enfant : en effet le larynx vibre pour chaque émission « voyellique  » et seule l’intervention d’un mouvement du nez pour les nasales est perceptible au toucher.

J’ai attiré l’enfant sur une observation fine des mouvements des lèvres et de leur aperture pour chaque voyelle : (appelé soleil des voyelles par Madeleine Dunoyer de Segonzac à qui je dois cette connaissance)

D’abord les sons émis lèvres étirées, du plus fermé au plus ouvert :

« i   é   è   a » en chantant la gamme descendante et en ouvrant les bras (départ pour le i en position haute, mains jointes au-dessus de la tête.

Le son i correspond au « do » puis on ouvre légèrement les bras sur le « si » en émettant le é (les lèvres s’ouvrent également légèrement comme les bras) puis on chante le son è sur la note « la »  (les lèvres s’ouvrent encore un peu plus comme les bras) et enfin on chante la note sol en ouvrant grand les bras latéralement, bouche également grande ouverte.

Bien évidemment il faut faire de même avec les bras de l’enfant pour que la motricité globale entre en jeu.

Viennent ensuite les voyelles qui nécessitent une position arrondie des lèvres et correspondent à des sons plus graves. (Toujours d’après les travaux de Madeleine Dunoyer de Segonzac).

« o (ouvert comme pour le mot porte), (o fermé comme pour le mot chocolat) puis le u et enfin le ou)

Lèvres arrondies, on poursuit la descente de la gamme avec ses quatre sons en refermant les bras progressivement vers le bas au fur et à mesure que les lèvres se resserrent.

Puis on chante à nouveau la gamme en remontant les bras et enchaîner les sons du plus grave au plus aigu.

Pour continuer à « coller » à mes principes de recherche :

- Associer œil/main/bouche/oreille,

- Mener de l’oral à l’écrit,

il fallait donc que je trouve un moyen de visualiser la voyelle et créer une manière aisée de construire la syllabe en la manipulant.

La syllabe étant composée des deux éléments consonne/voyelle, il fallait alors pouvoir isoler et associer à mon gré chacune de ces composantes.

J’ai donc décidé de garder tous mes logos correspondant aux consonnes sur support plastique transparent et de fabriquer des carrés de couleur associés à chaque voyelle pour construire et déconstruire la syllabe aisément et fabriquer n’importe quel mot.

D’autres techniques utilisent la méthode « picturale », mais je voulais que là encore mes principes de base soient respectés.

J’avais commencé mes recherches, selon les travaux de Madeleine Dunoyer de Segonzac, mais deux éléments bloquaient :

-       Impossible de mettre des bébés les mains dans la peinture. Il fallait un support facile à manipuler et stable.

-       Ce sont les enfants eux-mêmes qui m’ont mise sur la voie .Lorsque je leur apprenais les couleurs, chaque fois qu’il voulait me dire « rouge » ils émettaient le son « ou ». Ce fut le déclic : il fallait que la couleur contienne le son évoqué. Aussitôt j’ai agité un ruban rouge puis fabriqué un carré rigide en carton rouge sur une face et écrit le son « ou » sur l’autre face.

Forte du résultat obtenu, j’ai cherché une couleur contenant le son que je voulais enseigner à mes tout-petits.

Notre langue française est riche en sons voyelliques et la tâche ne fut pas aisée.

Très vite, des évidences apparurent :

* le e bleu

* le i gris

* le o orange

* le é doré

* le è vert

* le ou rouge

* le oi noir

* le on marron

* le an blanc

Mais certains sons étaient difficiles à associer à une couleur, comme le a, le u, le in, le œu.

Après de nombreux essais sur la population enfantine la plus diversifiée (enfants sans difficulté, enfant présentant une anomalie génétique ou une atteinte sensorielle), le choix s’est fait sur :

  • le a parme
  • le u turquoise
  • le in lie de vin
  • le œu coquille d’œuf

Ainsi chaque voyelle a trouvé sa couleur contenant le son étudié : il suffisait d’associer le logo transparent et la couleur adaptée à la voyelle pour fabriquer la syllabe puis tous les mots que je désirais.

Le processus était lancé.

Des enseignantes volontaires de moyenne et de grande section de maternelle ont accepté de pratiquer un court temps de la matinée et un autre court temps de l’après-midi, des jeux de sons alliés à des exercices moteurs et visuels en référence à la méthode CLOE (rubans et papiers crépons de la couleur des sons et objets associés aux logos (râteau pour le r, serpent pour le s, avion pour le v etc.) Cette première population enfantine testée a donné des résultats très encourageants.

J’ai donc fait un grand nombre de cartons de couleur avec, sur le verso, l’écriture du son correspondant.

Notre population de maternelle testée a tout de suite manifesté un intérêt joyeux pour ces cartons qui parlent, et, très vite, les enfants ont retourné le carton couleur pour voir comment s’écrivait le son.

L’enseignante continuait parallèlement son travail moteur selon mes recherches sur les caractéristiques du son, les enfants prenant au choix le ruban ou les cartons face recto ou verso.

De mon côté je poursuivais mes travaux auprès d’enfants présentant une maladie génétique ou un handicap quel qu’il soit.

Le frappé rythmique de la main bien installé, la structure articulée et syllabique maîtrisée, le rythme de base et la mélodie discursive bien en place, je voulais voir émerger du babillage les premiers mots du répertoire.

L’utilisation des cartons et des logos fut prépondérante.

J’ai recherché dans notre langue tous les mots unisyllabiques ayant un sens (pain par exemple),

Et s’ils avaient plusieurs sens, je montrais à l’enfant les illustrations correspondantes.

Il est essentiel que l’enfant ait conscience très tôt de cette polysémie : elle structure le développement de l’intelligence.

Le symbole stable de chaque consonne et chaque voyelle permet à l’enfant de lire le mot et de mettre en œuvre son articulation.

La méthode CLOE s’est très vite enrichie d’éléments variés : DVD des sons pour les maternelles avec imagier des mots de plus en plus complexe, Cahier de découverte des sons avec comptines adaptées et petites marionnettes des sons, ainsi que d’une grande affiche répertoriant les sons illustrés.

J’ai poursuivi mes travaux sur l’acquisition de la lecture selon ce processus et j’ai une grande joie à pouvoir témoigner du grand nombre de mes patients différents qui maîtrisent la lecture et surtout le plaisir de lire.

Sont donc nés ensuite, le DVD Lecture de CLOE, le cahier d’exercice, le livre de CP.

L’installation du son puis du mot puis de la phrase s’est effectuée en harmonie totale de l’oral et de l’écrit. L’enfant pouvant former des associations significatives d’une part et corriger son articulation d’autre part.

 

Claude Della Courtiade


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